LES ORIGINES DE RÉSILIENCE URBAINE

par Pascal Depienne, le Lundi 17 Janvier 2022

Les origines de Résilience Urbaine

Les origines de Résilience Urbaine

Aux origines de Résilience Urbaine, une longue réflexion de Pascal Depienne sur un quartier zéro carbone. Cette première newsletter va vous plonger dans plus d'un an d'aventures pour l'équipe des Urbaculteurs.

Voici comment tout a commencé...

En automne 2018, je suis contacté par une agence de promotion immobilière innovante sur La Rochelle (Eden Promotion) afin de participer à un concours d'aménagement pour le quartier zéro carbone Atlantech à Lagord (La Rochelle). Consultant en permaculture, je fais une proposition la plus cohérente possible d'aménagement de l'espace en associant agriculture urbaine, accueil de la biodiversité et séquestration de carbone.

Le concours donne naissance à une expérience étonnante, une participation conjointe de plusieurs promoteurs et de la collectivité pour un aménagement innovant orienté agriculture urbaine et gestion scrupuleuse des déchets : serres sur les bâtiments, recyclerie, compostage, jardins partagés et zones de cultures professionnelles.

Début d'une période de recherche et d'écriture

Au printemps suivant, je suis contacté par une élue de Lagord décidée à faire avancer le projet. Une réflexion globale étant possible, nous rencontrons les différentes instances présentes sur le parc en quête de synergies. La découverte des opportunités que présente ce contexte typiquement urbain me plonge dans une période de recherches et d'écriture qui va durer plusieurs mois. Tout commence lors d'une nuit blanche en avril 2019...

La ville est le lieu de vie incontournable de nos sociétés modernes, elle est le résultat du développement de l'industrie et des services, mais aussi d'un développement culturel et politique. On s'y rendait pour trouver une richesse culturelle, artisanale, commerciale ou sociale mais aussi un emploi et un mode de vie « moderne ». Cela s'est encore intensifié avec l'avènement du pétrole et les villes ont continué leur extension . Aujourd'hui, 60 % de la population mondiale vit en milieu urbain.

Cependant, d'après le démographe et urbaniste Pierre Merlin, la tendance s'inverse depuis les années 1970, du fait que les villes connaissent de véritables problèmes environnementaux et que les conditions sociales se soient dégradées. En 2011, un quart de la population urbaine (âgée de 25 à 49 ans) désire retrouver une place à la campagne ou dans de petits villages (sondage Ipsos).

Le constat est là, les moyennes et grandes communes sont moins attractives, et pourtant, faire marche arrière n'est plus possible. Or, les villes présentent de nombreux avantages, elles sont notamment plus efficaces énergétiquement de part leur densité. Même si elles sont surtout attrayantes d'un point de vue culturel et social, l'ère du numérique semble être en train de changer la donne, suite à la crise sanitaire que nous sommes en train de vivre. Outre la pollution, les villes sont aussi un concentré de déchets, de compétences et tout simplement de population, autant de ressources précieuses mal valorisées.

Créer un écosystème fonctionnel et durable

Quitte à ne pas dormir, je me suis levé pour prendre un crayon et un papier pour commencer le schéma d'une carte heuristique des contraintes et des opportunités. A chaque problème sa solution - pas un miracle ni une prophétie - juste un outil que l'on utilise en permaculture. Lister les éléments et créer un écosystème fonctionnel et durable en connectant au mieux les intrants et les sortants, en recyclant les déchets, en supprimant les dépendances inutiles et en évitant les fuites.

Évidemment, tout cela n'est que choix politique, mais l'urgence et l'actualité plombante ouvre enfin des portes à de nouvelles idées et de nouvelles lois. En 2023, les collectivités vont devoir gérer la collecte des déchets organiques ménagers et ainsi, tous les citoyens participeront à la création de compost d'une richesse inestimable. C'est une bonne nouvelle !

Pour la pollution, il n'y a pas trente six solutions, il nous faut réduire l'impact du transport, et cela conduira assez simplement à peu ou pas de voitures, un accent sur les transports en commun et le développement de la mobilité douce. Mais cela ne suffira pas, et si nous devons nous mettre d'accord sur une chose aujourd'hui, c'est que le temps des petits changements de surface est révolu et qu'il nous faut être beaucoup plus ambitieux. Il nous faut un changement de paradigme.

L'agriculture urbaine - une solution très limitée mais très efficace

Nous avons d'un côté une résilience alimentaire catastrophique, quelques jours au plus, et un besoin de végétaliser et de stocker du carbone. Bingo ! L'alimentation est un des émetteurs principaux de carbone, notamment à cause de son transport. Nous allons donc végétaliser utile, nous produirons de la nourriture partout où cela est possible et au plus près des consommateurs. Nous avons de nombreuses solutions à proposer ! Par contre, partout où cela n'est pas pertinent, pour cause de pollution notamment, nous accueillerons et nourrirons la biodiversité tout en bénéficiant de tous les services que les végétaux nous rendent (séquestration de carbone, filtration de l'air, îlots de fraîcheur , gestion de l'eau, bien être, etc...).

Nous pouvons illustrer un célèbre principe de Permaculture : transformer les problèmes en opportunités.

Les déchets organiques - un gros problème devient une ressource incroyable

Pour les déchets organiques, et notamment les déchets organiques ménagers, qui représentent une grosse partie du poids des ordures ménagères (30 % d'après Zero Waste France), nous les transformerons en ressource. En effet, une fois compostés, ceux-ci peuvent garantir très largement la fertilité nécessaire à nos productions agricoles ainsi qu'une bonne rétention de l'eau, et participent au stockage de carbone et à l'accueil de la biodiversité.

Espaces verts - d'un entretien coûteux et polluant à une production de nourriture et de services écologiques

L’entretien coûteux et polluant des espaces verts sera optimisé par l’aménagement de plantations denses (peu d’entretien), d’une gestion différenciée (zones tondues, fauche tardive, hautes herbes) et par l’utilisation de l’éco-pâturage et de productions agricoles régénératives : agro-foresterie et non travail du sol (grâce au compost). Les conséquences de l’approche systémique inspirée de la permaculture sont les nombreux avantages qui en découlent (1+1=3) au delà des trois objectifs pré-cités : un meilleur cadre de vie et une meilleure santé, de la fraîcheur, des créations d’emploi, le développement du lien social, une lutte contre toutes les formes de pollution, une meilleure utilisation des ressources disponibles, une meilleure gestion de l’eau, une valorisation des dents creuses et des friches urbaines, une sensibilisation et une implication citoyenne, la baisse des incivilités...

Un modèle Open-Source, évolutif et disponible pour toutes et tous

Depuis le début de cette aventure, je n’ai pas mis longtemps à convaincre autour de moi, toujours dans l’attente de retours négatifs et de contradictions. J’ai été soutenu dans la rédaction du livre blanc de cet agro-écosystème urbain, relu et corrigé. Et alors que je tissais les prémices d’une approche modulable de l’urbanisme avec de nombreux apports extérieurs, l’idée de la rendre Open Source est apparu comme une évidence. Pourquoi ?

  • Parce que chaque technicien(ne) ou expert(e) pourra relire, corriger et proposer des aménagements toujours plus précis, plus à jour et adaptés à des pédo-climats et des contextes différents. Les techniques et les connaissances évoluent tous les jours.
  • Le modèle touche à différents domaines des activités humaines et il en reste de nombreux à explorer : juridique, économique, technologique, etc.
  • Parce que l’ensemble de ces solutions sera disponible pour toutes et tous afin de faciliter la transition de nos communes.

"Origine Résilience urbaine"

Je crois que c’est l’association d’une approche écosystémique et Open Source qui a séduit et suscité la création d’un collectif officiel, Les Urbaculteurs, avec les premiers contributeurs du projet : Cristiano, Delphine, Louis, Myriam, Thomas, Joël, Camille, Margo, Raphael et Nicolas. Plus tard toute une communauté nous a soutenu dans un appel aux dons sur Ulule. Nous avons déjà dans notre équipe une diversité et une complémentarité de compétences incroyables. Nous nous sommes unis autour de l’idée que des expert(e)s dans tous les domaines concernés puissent porter une réflexion systémique sur l’organisation de nos villes. Nous avons œuvré pour créer une plateforme présentant le modèle Résilience Urbaine avec des zones modulables et une liste de fiches ressources. Nous mettons à disposition de tous les acteurs des solutions pour la transition nécessaire de l’aménagement urbain, adaptées à différents contextes et mises à l’épreuve de la relecture par toutes et tous et pour toutes et tous. L’approche est en cours de déploiement sur le quartier Atlantech et nous avons déjà des retours précieux pour améliorer l’accompagnement nécessaire à la mise en œuvre.

Fédérer les collectivités et les professionnels : nous voulons créer une communauté de la Résilience Urbaine

Nous comptons rassembler autour de cette initiative des professionnels de l’aménagement, des collectivités souhaitant s’engager pour la résilience ainsi que les expert(e)s qui pourraient apporter leurs lumières aux solutions que nous proposons (urbanistes, naturalistes, écologues, ingénieurs agronomes, etc.). Nous souhaitons créer un réseau de professionnels agissant pour la Résilience Urbaine ainsi que des communes partenaires de cette approche. Nous devons nous rassembler pour être mieux entendus, mais aussi toujours plus compétents, elle est là aussi la beauté de l’Open Source. L’aventure est passionnante et le modèle doit s’enrichir et profiter des compétences de toutes et tous, elle est propice à une grande créativité car il reste tant de facteurs à revisiter dans cette approche systémique. De notre côté, nous proposons des formations afin de rassembler autour de l’approche systémique qui est au cœur de la Résilience Urbaine mais aussi de disposer d’un modèle économique pour faire vivre la plateforme Open Source. Nous en organisons également pour les technicien(ne)s des espaces verts afin d’accompagner la mise en place des différentes solutions que nous mettons en avant. Nous avons déjà formé de nombreux professionnels et formons actuellement les personnels des espaces verts de Neuville-de-Poitou, et nous les accompagnons dans la mise en place de certains éléments. Depuis peu, fort de nos compétences complémentaires et de nos expériences dans l’aménagement et soucieux de faire avancer notre cause, nous proposons de réaliser des études. D’un espace restreint à une approche plus globale, nous souhaitons aider les collectivités à mettre en œuvre ces changements tellement nécessaires mais néanmoins accessibles.

Pascal Depienne