LES CIRCUITS PAS SI COURTS DE L'AGRICULTURE URBAINE

par Raphaël Richard, le Vendredi 24 Mars 2023

Les circuits pas si courts de l'agriculture urbaine

Les circuits pas si courts de l'agriculture urbaine

Fanny Provent et Gwenaëlle Raton questionnent, dans un article, l’avantage de la localisation urbaine et de la proximité avec les clients pour l’agriculture urbaine, qui ne bénéficient pas forcément d’une logistique facilitée.

Grâce à des entretiens menés avec 20 producteurs parisiens qui gèrent 75 sites, Fanny Provent, agronome à AgroParisTech, et Gwenaëlle Raton, géographe à l’Université Gustave Eiffel, ont cherché à caractériser ces modèles productifs et commerciaux afin d’identifier les contraintes qui pèsent sur leurs organisations logistiques. « À l’intérêt de la localisation en cœur de ville, pour accéder au marché et bénéficier de la densité de clientèle, de la centralité mais aussi des ressources organiques que la ville a à offrir, se répondent des problématiques d’exiguïté, de coexistences avec les autres activités, de pollution et de congestion », écrivent-elles. Les bénéfices de l’agriculture urbaine en termes de proximité entre producteurs et consommateurs sont donc ainsi contrebalancés par de fortes contraintes.

Tout d’abord, alors que le fermes étudiées cultivent des produits très périssables et sensibles au transport, privilégiant souvent la cueillette à la demande, elles ne sont pas a l’abri d’invendus malgré la taille de leur marché. Le caractère périssable interroge aussi la nécessité de conditionnement dont certains acteurs essaient de se passer pour éviter la consommation d’emballage pas toujours nécessaire compte-tenu du lien direct avec les clients. La transformation des aliments présentent aussi un avantage sur ce point. Outre l’intérêt de la valorisation économique et de la diversification de la gamme qu’elle représente, elle permet aussi de limiter les pertes.

Un besoin d’espaces de stockage

Alors que l’utra fraîcheur des productions doit limiter les besoins de stockage, 15 producteurs disposent d’un espace dans ce but. Les locaux concernés ont toutefois des volumes restreints et sont cantonnés à des usages ponctuels. « On retrouve donc des tâches de transformation, de conditionnement et de stockage plus utiles que prévus pour répondre à ces impératifs de fraîcheur alors que la relation directe et rapide telle que vue dans l’imaginaire collectif aurait eu tendance à limiter ces tâches », écrivent les autrices de l’article.

Un autre aspect logistique soulevé est lié au fait que l’agriculture urbaine est souvent menée dans des lieux atypiques , de petite taille et dispersés. Certains ne permettent ainsi pas d’accueillir du public et donc de faire de la vente directe, entraînant des « tâches supplémentaires comme le conditionnement et la livraison vers un point de vente ». Ce caractère multisites demande donc « d’organiser la logistique à l’échelle de la structure et non plus à l’échelle du site seul et peut engendrer des besoins de transport entre sites ».

Recours à des intermédiaires

Pour assurer une régularité dans les ventes, les producteurs passent également par des intermédiaires, remettant en partie en cause l’intérêt de la localisation urbaine. Si certains réussissent à s’appuyer sur de la vente directe, « pour d’autres, les contraintes du flux tendu restent fortes, la diversification, l’irrégularité des commandes et la fragmentation des activités et des débouchés demandent des adaptations constantes, face à un modèle de production lui-même dépendant de l’environnement et cherchant à se stabiliser », est-il indiqué. Les intermédiaires commerciaux, des circuits courts ou longs, deviennent alors les plus à même de « valoriser et acheminer les produits, dans le respect de la fraîcheur et pour une consommation rapide ».

En conclusion, Fanny Provent et Gwenaëlle Raton font valoir que « la localisation urbaine ne conduit pas systématiquement à une proximité organisée, ni à une co-visibilité entre producteurs et consommateurs comme escomptée ». Afin de lever certains des obstacles constatés, elles suggèrent « plusieurs leviers mobilisables comme l’essor d’initiatives permettant aux agriculteurs d’identifier des canaux de distribution en fonction des capacités productives, le soutien à l’installation dans des sites permettant d’une part l’accueil du public, d’autre part favorisant la concentration des activités ; ou encore l’essor de structures de transport décarbonés ».

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Auteur : Raphaël Richard - Photo : Spur-Flickr